Itinéraire d'une écaille blanche [avec Leïna uniquement]

Invité

Toute ma vie, j'étais emprisonné dans cette ignorance.

Après avoir pénétré dans le duché de Lushan, Chris avait déjà parcouru plusieurs lieues dans le froid. Ayant récemment fait la rencontre de la guerrière Megara, cette dernière avait éveillé sa curiosité plus qu'elle ne l'était. Les Makaïs... Ces êtres aux particularités d'être mi-hommes, mi-animaux - du moins, c'est ce que Chris se représentait - le laissait perplexe. Comment était-ce possible ? Lui avait toujours pensé que seuls les humains existaient dans ce monde. Preuve de son ignorance. Un tir qu'il fallait corriger. De ce fait, Chris se rendit à la capitale du Duché, qui faisait également office de capitale du Royaume. Il ne faisait aucun doute que les réponses se trouvaient ici.

Le jeune homme bifurquait à droite à gauche, insistant sur son statut de libre vagabond pour voyager par le détour. Sa démarche était lente, assurée, tant il était parfaitement anonyme sous sa longue cape blanche qu'il portait perpétuellement. Par ailleurs, ses mains étaient comme jointes, enfouies dans les manches réciproques de sa robe. Les ruelles qu'il empruntait, dans cette ville glacée, étaient les plus discrètes, les moins peuplées, si ce n'est les milliers de flocons qui finissaient leur course sur le sol, tapissant un peu plus abondamment le sol. Heureusement, la capitale était entretenue ; les chemins de pierre étaient visibles, et Chris savait où circuler.

Il avait perdu son sourire en coin, trop occupé à faire une drôle de bouille dans l'ombre, impressionné par l'architecture que les Makaïs avaient donnée à leur cité. Tout était en parfaite harmonie. Cela changeait nettement des habitations humaines, faîtes pour êtres habitées en premier lieu. Et, bien évidemment, ça changeait des cabanes. Idée qui fit légèrement rire le jeune homme. Mais malgré les différences qui séparaient ses origines de ce monde-là, Chris ne passa pas à côté d'un fait : il y avait des enfants qui passaient leur temps à déambuler dans les rues, jouant à cache-cache et autres activités de groupe. Les souvenirs émergeaient : Chris avait les mêmes préoccupations quand il avait cet âge-là. Pensif, il continuait de marcher. Les questions qu'ils se posaient menaient à tellement de possibilités...

Chris émergea d'une ruelle. Celle-ci donnait visiblement sur une place gigantesque. Elle était un peu plus peuplée, étant donné l'espace qui était disponible. Mais il y avait tellement de gens que Chris pourrait passer inaperçu dans cette foule. On voyait des esclaves humains, autant que des Makaïs. Confiant, Scale s'avança, cherchant un banc, ou quelque chose pour s'asseoir. Il balaya les lieux du regard, et ses yeux se rivèrent sur une place vacante et à l'écart. Il pressa le pas, de peur d'attirer trop l'attention, et alla se poser. Il s'empressa de piocher, dessous sa cape, son ouvrage fétiche, celui qui lui permettrait de communiquer. Il était là depuis peu de temps, et il devait absolument se fondre parmi la population. L'humain focalisa son attention sur l'ouvrage, faisant défiler les pages à grande vitesse pour retrouver celle qu'il avait cornée. Il reprit son exercice, prononçant à faible voix de la grammaire Makaï Haarkonienne.

Prêtresse de la Magna Mater

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Jour de marché.
Dans les rues froides et sombres, soudain, tout semblait s'animer. Les toiles colorées tendues au dessus des étals donnaient à Haven un autre visage. Plus clément peut-être pour les voyageurs harassés d'un climat trop rude pour ceux qui n'y étaient pas habitués.
Les cris des marchands apostrophant les passants résonnaient dans les rues bordant la Grand'Place. Dans certaines petites rues de traverses, circuler devait difficile et la masse sombre et hétéroclite de la populace semblait soudain l'écoulement noirâtre de quelque liquide pâteux dans les artères de la cité.

Bien droite, très digne, le museau relevé, Leïna flânait entre les étals, s'échappant des rues trop encombrées pour gagner la Place où flâner était plus aisé.
La renarde blanche avait toujours aimé les jours de marché. Son odorat si sensible captait milles effluves et parfums, pas toujours agréables mais si représentatifs qu'au fond d'elle, elle ne pouvait s'empêcher de les aimer. L'odeur émanant du petit stand du poissonnier, du boucher, ou même encore du boulanger était alléchante, une petite foule s'y pressait toujours. Des Humains esclaves venus pour faire les achats de leurs maîtres ou encore des mères de famille encombrées de chenapans. Ca parlait fort, jurait par endroit. Les vendeurs de colifichets clamaient à qui-mieux-mieux les mérites de leurs marchandises. "Etoffes Sundaarites ! Lin véritable ! 3 pièces d'argent le mètre !" "... Pain aux noix ! Pains à la viande ! Pains au Paiiiiiin !! C'par ici mes Seigneuuurs !!" "Les seuls et uniques poteries de Lushaaaan !!"

Tout se mêlait en une cacophonie joyeuse, faisant se tourner les oreilles de la renarde vers telle ou telles sources de bruit, son fin museau s'ornant d'un petit sourire. Simplement heureuse de se retrouver là, la jeune Makaï si élégante ne laissait guère indifférent sur son passage. Mais sa longue robe au corsage lacé, faite d'une étoffe immaculées et sa capeline bordée de neigeuse fourrure blanche informaient de son statut. Les prêtresses du Temple n'étaient certes pas obligées de se vêtir en blanc en dehors de leurs offices au temple. Cependant elles arboraient ces couleurs lors des Liturgies offertes à la Magna Mater et de leurs déplacements en ville. Ils étaient rares à Haven, les gens à se déplacer en blanc, la plupart portant des teintes neutres - du noir, du bleu, du brun ou du vert. Le blanc, teinte si salissante, était réservé aux prêtresses ou encore à la haute noblesse.
Et si biens des regard se posaient sur la délicate silhouette de Leïna, nul ne l'aborda alors qu'elle rêvassait tout en évoluant sur la place, sa longue queue touffue maintenue avec grâce dans son dos et ses oreilles pointées vers l'avant.

Le stand du boulanger l'arrêta le temps d'acquérir un petit pain à la viande encore tout chaud dont le fumet la ravit. Les pièces d'Airain s'échangèrent de main et la Makaï reprit sa route, déballant un coin de son bien pour mordre dedans, laissant échapper un petit soupir content.

Alors qu'elle s'arrêtait près de l'étal du vendeur de breloques, observant par simple curiosité les différentes parures, les yeux doubles de la renardes furent attirés par une forme blanche. Intriguée, Leïna observa de sa place l'étrange être portant une cape immaculée masquant ses traits. Le blanc si peu courant dénotait étrangement, bien qu'en accord avec sa propre tenue. Et un instant, la prêtresse se demanda si celui qui se cachait là-dessous était une femelle prêtresse d'un quelconque Temple de la contrée. Ou bien encore l'un de ces Prêtres Makaïs errant qui sillonnaient parfois les Terres en quête d'aventures spirituelles. Cela expliquerait le livre.

Cependant, alors que la curiosité se bornait à lui faire observer l'inconnu à distance, un fait attira son attention et scella ainsi la rencontre avec celui qui l'avait intrigué de prime abord.

Un vaurien humain d'une dizaine d'années s'approchait à pas de loup du vagabond, sa main se tendant dans l'espoir de lui faire discrètement les poches. Lui aussi voyait dans la couleur de voyage de l'étranger un signe de richesse.

Mais Leïna avait été plus vive que lui et ce fut une main blanche et douce qui retint celle du gamin alors que les oreilles en arrière et le museau froncé de la prêtresse trahissait son agacement, découvrant des canines blanches et luisantes propre aux prédateurs de sa race.

Petit vaurien, attention à ce que tu vas faire. L'argent se gagne et ne se vole point.

Mais, alors que le gamin, effrayé poussait un petit cri, se débattant contre la Makaï, le regard teinté de la peur d'être fourni en esclavage, Leïna sembla s'adoucir.

Si tu as bien trop faim, prends donc mon pain.

Relâchant le gamin, Leïna lui tendit le pain seulement à demi entamé, ses yeux clairs semblant bien plus doux.

Et alors que le gamin incrédule osait tendre la main, saisissant le pain sans trop y croire mais trop affamé pour vraiment se soucier de trop de méfiance, Leïna se recula légèrement, n'exprimant plus aucune menace dans son expression. Seule sa longue queue battait une mesure silencieuse dans l'air froid. Les yeux écarquillés le petit humain s'exclama avant de détaller.

M'ci Ma Dame !! M'ci !!

Un instant, le Makaï regarda l'humain s'éloigner en courant avant de se tourner vers l'étrange inconnu, humant doucement l'air, intriguée. Etait-il un Makaï ? Il n'en avait en tout cas pas l'odeur. Un Humain alors ? Mais quel genre d'Humain viendrait à Haven ainsi accoutré, avec ce qui se passait pour eux ? Et si les voyageurs de leur race était tolérés, ils n'étaient pas toujours les bienvenus. La haine était toujours farouche et tenace entre eux et les Makaïs.

Le grimoire tenu par l'inconnu intriguait tout autant Leïna. Un lettré... c'était une chose bien étrange que cela. Et s'il était bien un Humain, ca n'en était que plus troublant.

Prenez garde, Seigneur. fit la voix douce, mais naturellement froide, de la renarde. Les rues ne sont pas toujours emplies de gens très attentionnés, ici.

Un sourire poli et serein étira alors les lèvres fines de Leïna, comme une invitation à une éventuelle discussion.

Invité

Quelqu'un qui m'inspirait la paix.

Plongé dans une lecture intensive, Chris baladait ses yeux sur l'encre soigneusement parsemée sur ce papier, encre qui laissait des traces indélébiles ; tout ceci dans une belle harmonie. Mais de temps à autre, le jeune homme succombait à sa curiosité ; dès lors, cela lui arrivait d'observer discrètement les passants Makaïs ou esclaves. Il lui suffisait de relever le regard sans hausser la tête. Son regard était envieux, tant les passants circulaient avec le sourire aux lèvres, rarement seuls. Ils allaient souvent par paire, ce qui inspirait, naturellement, amour et prospérité à Chris. Mais c'est alors que, parmi cette population sereine, jaillit de nulle part une Makaï qui se distinguait littérallement de ses congénères. Tout de suite, sa vue se figea sur la magnifique silhouette.

Une makaï renarde. Et quelle makaï ! Chris avala sa salive, impressionné par une telle sérénité émanant de l'autochtone. A cela s'ajoutait l'aura bienveillante qu'il percevait, naturellement. Il était réchauffé, réchauffé de ressentir une telle présence, si apaisante. Mais l'humain secoua nerveusement la tête. Il aimait rêver, cela le nourrissait. Mais il ne fallait pas se faire piéger. Il renonça donc à contempler la renarde, et son regard se posa sur un petit garçon itinérant. En un éclair, il eut une idée. Ça y est, tout était calculé dans sa tête. Vérifiant que la créature ne daigne pas observer Chris, ce dernier émit un "Pssst!!" discret, de sorte à attirer l'attention de l'enfant. L'attention du jeunot fut détournée, naturellement.

- Ne me regarde pas, et écoute simplement ce que je vais te dire, murmura Chris à l'attention du petit homme, lorsque tu verras une créature à la fourrure aussi blanche que ma cape et à la chevelure bleue approcher céans, fais mine d'essayer de subtiliser quelconque objet dans ma poche. Nous avons tous les deux à y gagner... Fais-moi confiance !

* Pourvu qu'elle daigne approcher quelqu'un de trop commun comme moi... *

Chris riva de nouveau ses yeux sur son ouvrage, qu'il feuilleta pour faire mine d'une étude acharnée. Il souriait en coin, ressentant une grande montée d'adrénaline. Jamais il n'avait fait ça, jamais il n'avait provoqué de tel hasard. Mais c'était une Makaï, et Chris n'avait jamais conversé avec une telle espèce. Il jeta des regards discrets sur le mioche, ainsi que sur la créature qu'il ciblait. Il apercevait le gamin faire mine de se rapprocher pour le dérober... Et la renarde approchait. C'était facile, trop facile. Il n'avait plus qu'à attendre que cela se passe. Il susurra de nouveau pour s'entraîner à prononcer intelligiblement le langage que ces êtres humanoïdes employaient. Enfin, du coin de son oreille gauche, il entendit ces douces paroles qui le déstabilisèrent de peu :

- Petit vaurien, attention à ce que tu vas faire. L'argent se gagne et ne se vole point.

Il culpabilisa. Bientôt, si son plan marchait, il allait faire la connaissance d'une personne fabuleuse en ayant abusé de sa gentillesse. Sa voix avait résonné dans ses tympans, Chris était vraiment comblé par tant de douceur. Jamais il n'avait assisté à un tel spectacle. Tout semblait si... Parfait. Trop beau.

- Si tu as bien trop faim, prends donc mon pain.

Il tremblait. Comment un être pouvait s'avérer aussi gentil, aussi doux, aussi généreux ? C'en était déconcertant. Elle, offrait son encas au "petit vaurien". Lui, se sentait honteux. Mais Chris avait plus d'un tour dans son sac. Il se remit de ses émotions, avala une nouvelle fois sa salive, et attendit que le dialogue prenne fin entre l'autochtone et l'enfant. Elle approcha, il était prêt.

- Prenez garde, Seigneur. Les rues ne sont pas toujours emplies de gens très attentionnés, ici.

Il fit un grand sourire bête. Heureusement que son visage ne paraissait pas au grand jour. Il se mordait les lèvres, manquant de rire de bon coeur. Elle l'avait appelé seigneur, il était amusé et heureux. Mais son sourire s'effaça lorsqu'il dû fait preuve d'honnêteté. Il releva légèrement la tête et la tourna à moitié vers la Makaï qui affichait un sourire, preuve de l'acceptation à converser.

- Au contraire, belle créature. Je pense que les individus sont abordables et peu méfiants. Je me suis servi de ce garçon pour que vous daigniez venir à ma rencontre. Honte à moi, je suis vraiment quelqu'un de...

Damnation ! Chris manquait de vocabulaire. Il garda son sang-froid, feuilletant frénétiquement l'ouvrage jusqu'à trouver...

- d'ignoble. Pour me pardonner, laissez-moi...

Il fouilla rapidement sous sa cape. Une volaille dépecée y était pendue. Il ne s'en séparait pas à contre-cœur, bien au contraire.

- ... Indemniser la perte de la succulente pâtisserie que vous eusses donnée à ce brave petit homme.

Il se releva, faisant face à la Makaï et lui tendant la charogne qu'il tenait par les pattes. Son regard le mettait véritablement en confiance. Enfin, il conclut par une interrogation.

- Puis-je connaître votre nom, gente Makaï d'Haven ?

Prêtresse de la Magna Mater

Come Little Children ]>

C'était donc un Humain

Oh Mère...

Pardonnez-moi ce n'est pas bien charitable mais... rangez cette volaille...

La perte de mon goûter n'est en rien une fatalité qu'il faille dédommager, des pains je peux en racheter ou plus simplement en demander à la cuisine du Temple si j'avais de nouveau la fantaisie d'en manger. Gardez votre propre repas. De plus, vos ruses sont bien étranges pour un Humain. Sauf votre respect, c'était un bien grand rire à faire courir au garçon ainsi qu'à vous-même. Les Humains grands ou petits ne sont guère appréciés à Lushan et on aurait tranché la main du voleur avant de le marquer comme esclave.

Quant à mon nom, je me nomme Leïna Iezabel d'Aavalon. Pourrais-je savoir le votre, puisque vous vouliez le mien ?

N'était-elle pas une Sœur de Magna Mater, dont le cœur n'était qu'Amour et Bonté ?

Invité

Son sourire éclairait mieux que le soleil.

- Oh mère... Pardonnez-moi ce n'est pas bien charitable mais... rangez cette volaille...

Chris, attendant quelconque réplique de la renarde qui se tenait dorénavant en face d'elle, fut littéralement surpris par un rire. En vérité, il s'y attendait. Ses lèvres dessinaient dorénavant un sourire en coin ; il se sentait en confiance face à cette créature pleine de bonté. Il leva légèrement l'autre bras pour laisser une ouverture et y ranger le gibier dans une poche intérieure. Enfin, il bomba légèrement le torse, se concentrant, fixant les lèvres de son interlocutrice pour comprendre dûment ses paroles :

- La perte de mon goûter n'est en rien une fatalité qu'il faille dédommager, des pains je peux en racheter ou plus simplement en demander à la cuisine du Temple si j'avais de nouveau la fantaisie d'en manger. Gardez votre propre repas. De plus, vos ruses sont bien étranges pour un Humain. Sauf votre respect, c'était un bien grand rire à faire courir au garçon ainsi qu'à vous-même. Les Humains grands ou petits ne sont guère appréciés à Lushan et on aurait tranché la main du voleur avant de le marquer comme esclave.

Il y eut un léger silence. Chris mémorisa quelques termes encore inconnus, et replongea son nez dans le livre.

- Un instant, vous prie-je...

Il feuilleta avec délicatesse les pages pour trouver les mots qui signifiaient "dédommager", "fantaisie", ou encore "ruses". Après tierces réflexions, l'humain reconstruisit la phrase de la renarde et démystifia le sens de celle-ci.

- Quant à mon nom, je me nomme Leïna Iezabel d'Aavalon. Pourrais-je savoir le votre, puisque vous vouliez le mien ?

Son coeur fit un bon dans sa poitrine. Il était dans l'embarras de devoir refuser la requête de cette renarde si gentille.

- Leïna..., fit-il, portant sa main sur le coeur, Sachez que c'est un plaisir pour voir de faire votre connaissance.

L'humain avait prononcé cette phrase à intelligible voix, dans un accent impeccable. En effet, en ces lieux, il lui fallait user de diplomatie. Il hocha légèrement la tête, honoré, puis se redressa. Il referma son bouquin et le rangea dans une poche vacante sous sa longue robe, se disant que la renarde pourrait tolérer quelconque erreur. Il retira sa main, paume tendue vers le ciel, comme s'il allait accompagner ses paroles de gestes divers :

- Je suis conscient des dangers qui m'entourent, ainsi que du fait que les humains soient en mauvaise posture en ces lieux. De ce fait, je vous dirai simplement qu'on m'appelât, dans les temps où je fréquentais les miens : l'écaille blanche. Puisse ce nom de code vous convenir. Et si nous marchions, Leïna ? J'aimerais beaucoup en apprendre plus sur votre personne et sur ces contrées...

Chris rangea enfin ses mains dans ses manches, les bras croisés, pour se protéger du froid. Il détourna légèrement la tête comme pour indiquer des directions éventuelles à Leïna. Il avait l'embarras du choix, les lieux étant paisibles et dépourvus d'hostilité quelconque - si ce n'est que des voleurs tentaient de malmener certaines âmes... Mais son regard s'arrêta sur un être qui semblait toiser le duo. Chris peinait à l'apercevoir à cause du flux constant d'individus qui transitait sur cette Grand'Place. Le visage de celui-ci était indiscernable, bien qu'il ne portât aucun habit dissimulant son visage. Il suffit à un couple de passer devant lui pour lui obstruer la vue une dernière fois... Avant que cet étrange être ne disparaisse. Chris fronça les sourcils, perplexe.

- ... Allons par là-bas, par exemple. Je ne suis pas passé par cette ruelle.

Il libéra son bras pour indiquer la direction dont il parlait, et joint à nouveau ses mains sous ses manches, attendant une réplique positive de Leïna. Il devait s'assurer que les ennuis n'avaient pas lieu d'être, mais il voulait tellement connaître la Makaï...

Prêtresse de la Magna Mater

Edge of Twilight ]>

Étrange. Plus qu'étrange, cet inconnu devenait troublant pour la belle Makaï. Ses manières n'étaient pas nées de ce Duché, ni de ceux qu'elle connaissait. Comment pouvait-on de plus ignorer l'esclavage sévissant dans les différentes contrées d'Haarkon ? Toutes ces choses qui se racontaient. Ces luttes intestines entre créatures nées d'un même ventre Divin. Les horreurs et les cris dans la nuit.

La cruauté, la mort, étaient l'œuvre de tous. Humains, Makaïs et Hybrides. Alors... Comment pouvait-on aller jusqu'à ne pas savoir ?
Leïna se sentait intriguée, troublée de cette silhouette encapuchonnée, de cette voix agréable mais hésitante sur certains mots, en en cherchant le sens. Elle n'aurait qu'un pseudonyme en échange d'un nom mais la prêtresse ne s'en offusqua pas. Elle comprenait cette prudence plus qu'elle en saisissait l'utilité. Et son instinct de prédateur lui soufflait de faire confiance aux désirs de cet inconnu qui l'avait tant fait rire, bien qu'elle n'en perçoive pas encore les aboutissants.

Rajustant sa mante de fourrure blanche, la renarde hocha délicatement du museau.

Fort bien... Ce sera donc Ecaille Blanche ici-bas. Les noms sont le miroir de notre identité, chez les Makaïs. Je ne sais pas si c'est ainsi d'où vous venez. Il n'est pas toujours bon de le divulguer car il apprends trop de choses. Je n'ai cependant pas d'instinct envers vous aussi vous ais-je donné le bon.

La renarde eut un sourire doux alors que ses oreilles s'agitaient, captant sans y prêter véritablement attention les milles bruits de la foule, les badauds se hélant, les marchands apostrophant ces derniers... Les gloussement des femelles au bras de leur compagnon dont les roucoulades lui perçaient toujours le cœur.
Elle était si seule... Si seule sur cette Terre. Si loin de son Oblivion devenu Esprit dans les Prairies Fertiles de la Magna Mater. Son unique ami-amour. Son unique compagnon dont elle pleurait l'absence plutôt que son veuvage.
Mais Leïna n'était pas une créature facilement mélancolique, bien que sa douceur lui en donnait l'air. Solide comme la lame d'acier, elle se dressait jour après jour sans jamais confier de son désarrois, de sa peine et de son désir de retrouver celui qui lui manquait plus que tout.
Et ces couples marchant par deux, elle n'avait pour eux nulle rancœur ou jalousie. Juste des souvenirs qui affluaient devant ses yeux doubles.

Alors que son étrange compagnon requérait sa présence, la renarde hocha de nouveau le museau et répondit un simple :

Soit. Je n'ai rien de plus pressant à faire et la Prière du Zénith est encore loin.

Passant la patte dans sa longue chevelure bleue, Leïna suivit les pas de l'Ecaille blanche, digne et droite dans sa robe immaculée de prêtresse, ses cheveux longs se déroulant autours de son cou en de fi ruban de soie bleue. Sa queue élégante battait dans son dos une cadence tranquille.
Les yeux doubles de la Makaï se portèrent de nouveau sur son compagnon, l'observant avec une douceur indulgente, se trouvant bien étrange de ne pas le considérer pour ce qu'il était : un Humain. Ces animaux inférieurs.
Mais son flair aiguë lui portait trop de senteurs différentes de celles des Humains habituels du pays. C'était un égal, voir un sage, peut-être, qui se dissimulait sous la blancheur parfaite de la vaste cape.

Etes-vous Prêtre ou Sage en vos contrées, Ecaille Blanche, pour ainsi porter la couleur qui, chez nous, signifie une fonction liée au service de la très bonne Magna Mater ?

La curiosité... Peut-être étais-ce un vilain défaut mais c'était sans nul doute une bien douce attention de la renarde vis à vis de l'homme à ses côtés. Jamais elle n'aurait éprouvé ce sentiment pour un quelconque homme d'Haarkon ou de Sundaar.
Elle voulait peut-être simplement savoir un peu plus ce qui était au delà des frontières connues.

Et la douce Leïna n'avait point aperçut quiconque pouvant les observer dans cette foule hétéroclite et ne se doutait guère pour l'instant des craintes fugaces de son compagnon.

Invité

Serait-ce le début d'une intrigue ?

Chris marchait, le pas lent, les bras liés sous sa robe encore plus blanche que la neige crassée et souillée par les passants. De temps à autre, il pivotait la tête pour apercevoir du coin de l'oeil ne serait-ce que le visage de cette renarde qu'il considérait comme magnifique.

- Fort bien... Ce sera donc Ecaille Blanche ici-bas. Les noms sont le miroir de notre identité, chez les Makaïs. Je ne sais pas si c'est ainsi d'où vous venez. Il n'est pas toujours bon de le divulguer car il apprends trop de choses. Je n'ai cependant pas d'instinct envers vous aussi vous ais-je donné le bon.

- J'aime beaucoup votre façon de penser, Leïna. C'est moi qui ai choisi ce surnom, qui plus est. Mais je vous laisserai le plaisir de deviner le sens que je lui ai attribué, afin de savoir si nous avons la même vision de la chose ou non.

Il en oublia vite sa préoccupation première qu'était celle de savoir s'il était observé ou non. Ses lourdes bottes laissaient des sons lourds mais brefs au fur et à mesure qu'il marchait, traversant la grande place avec Leïna. Il regarda de nouveau devant lui, cherchant ses mots pour ensuite les peser avant de s'exprimer. Chris l'avait comprit bien assez tôt : il se trouvait avec quelqu'un de renommée, une prêtresse, une dame fonctionnaire dans un temple. Après un long silence, Chris fut interrompu dans ses songes par une question.

- Etes-vous Prêtre ou Sage en vos contrées, Ecaille Blanche, pour ainsi porter la couleur qui, chez nous, signifie une fonction liée au service de la très bonne Magna Mater ?

- Vous savez, Leïna, je suis extrêmement flatté par cette attention que vous me portez. Je ne fus ni l'un ni l'autre, à vrai dire. Dans ma contrée, nous étions appelés moines. Nous n'avions pas le droit aux relations et à quelconque sentiment susceptible de corrompre nos pensées. Et la sagesse... Je n'aime pas trop ce terme, il est trop objectif. Prenons un exemple, Dame Leïna... Prenez une personnalité que vous n'aimez guerre. Vous n'êtes pas d'accord avec ses principes, ses coutumes...

Il commençait à accompagner ses paroles par des mouvements de bras, découvrant de nouveau des mains solides dont l'une d'elle portait encore une plaie de la veille qui disparaitrait dans les semaines à venir.

- ... Et pourtant, de cette personne, on vous dira qu'elle est sage. Et nous dirons pareillement de vous. Et deux personnes en opposition dans leurs pensées ne chercheront pas nécessairement à dire de l'autre "il est sage, il fait les bons choix.". La sagesse, j'ai horreur de ce terme qui fait naître en nous l'orgueil et le sentiment de supériorité. Vous savez, Leïna, j'ai plus tendance à penser que nous sommes des insectes au beau milieu d'une fourmilière, où Dieu saurait placer son pied si cela lui chantait. Au petit bonheur la chance, en fait. J'en viens donc à vous dire que malgré que je ne sois au courant que de peu de choses dans ces régions, je trouve que l'esclavage soit quelque chose d'immoral, d'impensable. Car chaque être vivant doit dévotion à Dieu, celui qui eût la bonté de faire ce que nous sommes. Enfin... Je dis ça, mais je me suis libéré de mes fonctions. Je ne suis maintenant qu'un pauvre moine déchu itinérant qui rabâche ce qu'on lui a enseigné.

Ils arrivèrent dans la ruelle en question. Chris s'arrêta net de parler pour balayer la foule du regard. Il n'y avait que des êtres humains ou Makaïs qui marchaient dans une direction aléatoire, jalonnant de rires et de bonheur. Et cette taupe. Cette taupe qui marchait en direction de Chris, qui allait passer juste à côté de lui. Le Makaï était doté de griffes acérées, c'est ce qui attira littéralement son attention. Mais il passa, sans même accorder un regard à côté, comme si de rien n'était.

* J'hallucine, voilà tout. *

Il continuait de marcher, au même rythme, imperturbable. Après un court instant, il se remit de cette brève interruption.

- Mais parlons plutôt de vous, Leïna. Votre tenue vestimentaire harmonieuse et le grand soin que vous apportez à votre silhouette suscite le questionnement chez ma personne. Qu'elle est votre fonction ? Et cette... "Mania, ma terre", qu'est-ce donc ? Avez-vous vécu ici depuis toujours ? Rien ne me ferait plus plaisir d'en savoir plus sur vous.

Enfin, il profita de cette légère latence où Leïna se devait de réfléchir pour préparer sa réponse, et pivota la tête à son opposé. Alors qu'il s'était engouffré loin, très loin, il aperçut dans un laps de temps la silhouette de cette même créature qui l'intriguait tant. Elle ne le fixait pas, ses yeux étant perdus dans le vague. Sa vue devait être mauvaise, très mauvaise. La silhouette disparu au coin du carrefour que Chris avait emprunté avec Leïna. Refocalisant son attention droit devant lui, par sûreté, il posa sa main gauche sur son fourreau, discrètement, sans que la renarde ne s'en aperçoive. En aucun cas l'humain ne voulait montrer quelconque hostilité envers la charmante créature qui l'accompagnait. Mais la paranoïa du jeune homme était, chez lui, une excellente défense.